Projet d'observatoire

N° 4

La Haye, le 21 juin 1824

Je ne puis laisser partir la lettre officielle d'aujourd'hui sans y ajouter quelques lignes pour vous faire mes excuses de mon silence prolongé. Différentes causes y ont contribué. Je pourrais les énumérer mais ce qui vous intéressera uniquement, à ce que je crois, sera de scavoir [sic] qu'aucune indifférence de ma part pour votre personne ou l'objet de vos études n'y a contribué. 

Sans doute un grand observatoire est une belle chose. Nous n'en n'avons pas dans le Royaume et ce doit être un objet de gloire nationale d'en posséder un. Cependant on peut aussi voir la chose sous un autre point de vue. Les grands moyens doivent avoir un grand but. Mais quelles grandes découvertes peut-on raisonnablement espérer de faire encore dans l’astronomie ? Peut-on 

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prétendre de faire un meilleur catalogue des étoiles fixes que ceux que nous possédons? La parallaxe est toujours un point indécis, mais on devra probablement pour résoudre le problème, imaginer de nouveaux instrumens inconnus jusqu'ici. 

Par ces motifs, je ne scaïs [sic] si la science profiterait beaucoup de l'érection chez nous d'un grand observatoire lorsqu'en même temps on n'aurait pas en vue un but déterminé et une classe d'observations qui feraient espérer de beaux et utiles résultats. 

En vous faisant part de ma manière de voir, je suis néanmoins convaincu que l'observatoire aurait son degré d'utilité de seconde classe et pourrait contribuer à ranimer chez nous l'étude des sciences exactes. Sous ce rapport et sous celui de la gloire nationale 

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l'érection de l'observatoire est sans doute à désirer, et je ne manquerai pas de faire valoir ces raisons lorsque l'occasion s'en présentera. Le bourgmestre de Bruxelles m'a dit que pour le moment la Ville ne serait pas à même de pouvoir disposer des fonds pour cet objet. 

Au reste, Monsieur, vous pouvez être assuré que ce sera un véritable plaisir pour moi si jamais je puis vous être utile. Avec le zèle et le talent que vous avez, il ne faut surtout pas vous laisser décourager quand les choses ne vont pas aussi vite que vous le désirez. Elles n'en n'iront pas moins si vous continuez de la manière que vous avez commencé, et si vous ne perdez pas courage. Combien de grands hommes n'ont-ils pas eu le sort de devoir lutter contre des obstacles plus grands que les vôtres, et que cependant 

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ils ont surmontés. Tachez de faire de même. Si je puis vous y aider, je ne manquerai pas de le faire.      

J'ai l'honneur d'être, avec des sentiments distingués, Monsieur,
votre très humble serviteur.
[signé] D.J Van Ewiyck

Date: 
Lundi, 21 juin, 1824 - 00:00
Écrit par: 
D.J. Van Ewyck [secrétaire d’Antoine Reinhard Falck, ministre de d’Instruction publique, de l’industrie nationale et des Colonies]
Adressé à: 
A. Quetelet
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