Entretien des instruments de l'Observatoire

[À] Monsieur Quetelet, Directeur de l'Observatoire, Bruxelles

St Josse-ten-Noode, le 2 mai 1850

Monsieur,

De retour hier soir d'une absence de quelques jours, j'ai trouvé votre lettre à laquelle je dois une réponse.

Au reçu de celle que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser le 19 avril dernier, j'ai fait visiter les instruments et l'état si déplorable dans lequel vous disiez que quelques-uns se trouvaient s'est borné à un peu de rouille sur quelques pièces sans importance, circonstance qui se produit après chaque hiver dans des salles exposées à l'humidité ; ces pièces ont été parfaitement nettoyées.

Reste la lunette mobile. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de vous répéter à ce sujet que les retards survenus successivement dans l'achèvement de sa mise en état provenaient de circonstances dont je ne suis nullement responsable ; ainsi, si le mécanicien ne nous a fourni la pièce qui a dû être refaite, qu'alors que la mauvaise saison ne permettait plus les travaux en plein air ; si cette mauvaise saison s 'est prolongée ; si le tems n'a pas cessé d'être variable au point qu'on ne peut compter sur 24 heures sans pluie, tout cela n'est pas ma faute ; ayant, en dernier lieu, essayé d'y faire travailler, la pluie a gâté après-midi ce qui avait été fait le matin et la chose est à
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recommencer. Jusqu'à présent de nombreuses journées d'ouvriers et mon matériel ont été employés à cet instrument ; j'ai même, dans la vue de diminuer la dépense, pris à ma charge des travaux qui ne m'incombaient en aucune manière et transformé mes ouvriers et moi-même en peintres-décorateurs. De cela, Monsieur, vous ne tenez pas compte, comme de tout ce que je fais chez moi pour l'Observatoire ; ainsi j'ai réparé et remis presqu'entièrement à neuf un des deux appareils de Creil [KREIL] ; je vous ai remis dernièrement cinq hygromètres qui m'avaient exigé de six à sept journées de travail de 12 heures et indépendamment de cela beaucoup de petites choses qui ensemble représentent beaucoup de tems.

J'entretiens les instruments depuis 9 ans ; je défie que l'on me montre un instrument que j'ai laissé détériorer par défaut de soin de ma part ; tous sont, quoique vous en disiez, en très-bon état, en beaucoup meilleur état que je ne les ai reçus. Aussi, Monsieur, je suis sans inquiétude relativement à la menace de démission que contient, votre lettre de hier, car je suis persuadé qu'une telle mesure ne sera pas prise sans m'entendre et les faits me donneront gain de cause.
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J'ai vu l'Observatoire de Paris dont Mr GAMBEY entretenait les instruments ; je crois qu'il y avait plus à dire sur leur état de conservation que sur ceux de notre Observatoire et cependant je suis certain que jamais Mr ARAGO ne s'est cru autorisé par ce fait à traiter Mr GAMBEY comme un ouvrier attaché à l'établissement. Je sais que je ne suis pas GAMBEY, mais je sais aussi que j'ai dû vaincre plus de difficultés pour faire ce que j'ai fait en Belgique que GAMBEY pour ce qu'il a fait à Paris ; il n'y a que mes compatriotes qui n'en sont pas convaincus et ne m'en reconnaissent pas le mérite.

Je tiens à l'honneur d'appartenir à l'Observatoire et non au bénéfice que j'en retire, car j'ai 598 frs pour l'entretien des instruments et quand j'ai fait, à la fin de l 'année, le compte du tems que j'y ai employé, le gain qui reste n'est pas lourd. Ainsi, Monsieur, ce n'est pas la crainte de nuire à mes intérêts qui doit vous arrêtez dans le parti qu'il vous conviendra de prendre.

J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très-humble et dévoué serviteur.

[signé] A. Beaulieu

Date: 
Jeudi, 2 mai, 1850 - 00:00
Écrit par: 
Arsène Beaulieu, aide-mécanicien à l’Observatoire
Adressé à: 
A. Quetelet
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