Entretien des instruments

À Monsieur Quetelet, Directeur de l'Observatoire royal, Bruxelles

Bruxelles, le 17 mai 1850

Monsieur,

Par ma lettre du 2 de ce mois, j'avais eu l'honneur de vous faire connaître que l'extrême variabilité du tems s'opposait à l'achèvement de la peinture du corps de la grande lunette. En effet, pour faire le bronzage en plein air, il est nécessaire d'avoir au moins 24 heures sans pluie et c'est sur quoi il n'a pas été un seul jour permis de compter dans l'intervalle qui s'est écoulé entre la date de ma lettre susdite et celle de la vôtre du 10 courant. Je croyais ces explications suffisantes pour faire tomber le reproche de négligence que vous m'adressiez ; mais comme vous continuyiez [sic] à le maintenir, j'ai dû, afin de m'en mettre à l’abri, remonter la lunette dans l'état ou elle se trouvait.

Quoique je ne sois nullement peintre, j'avais pris la main-d’œuvre des travaux de peinture à ma charge dans un but tout-à-fait désintéressé, puisque c'était pour diminuer le chiffre de la dépense à supporter par l'Observatoire, sans penser que vous auriez pu me rendre responsable de circonstances de force majeure.

Je sais fort bien, Monsieur, que Monsr le Ministre est le maître de supprimer mon emploi, mais je persiste à croire qu'une semblable mesure ne pourrait être prise
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pour cause de non entretien des instruments ; ce n'est que dans ce sens que j'ai employé le mot défier. Au reste, les instruments auront toujours besoin d'être entretenus, qu'il y ait ou non un mécanicien attaché à l'Observatoire, et si la suppression avait lieu, vous pouvez être assuré que l'on n'y trouverait pas une source d'économie, quel que soit le mécanicien auquel vous auriez recours.

Dans ma précédente lettre, j'avais eu l'honneur de vous dire que ce n'est pas l'intérêt qui me fait tenir à l'Observatoire ; cette déclaration aurait dû vous épargner la peine de transcrire les art. 12 et 15 du règlement de l'Observatoire, alors surtout que vous n'avez pas de motifs suffisants pour les appliquer.

Veuillez, Monsieur, agréer les assurances de mes sentiments bien dévoués.

[signé] A. Beaulieu

Date: 
Vendredi, 17 mai, 1850 - 00:00
Écrit par: 
Arsène Beaulieu, aide-mécanicien à l’Observatoire
Adressé à: 
A. Quetelet
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