Entretien des instruments

[À] Monsieur Quetelet, Directeur de l'Observatoire royal, Bruxelles

St Josse-ten-Noode, le 12 juin 1850

Monsieur,

Le remplacement du fil brisé au réticule de la lunette méridienne éprouvant des retards indépendants de ma volonté, je crois devoir vous en faire connaître les motifs.

Après avoir parcouru tous les tireurs d'or et passementiers de la ville et reconnu l'impossibilité de me procurer ici des fils métalliques assez fins ; après avoir essayé infructueusement des fils de nature végétale ou animale ; je pris le parti d'écrire à Paris et je m'adressai à l'ancien contremaître de Mr GAMBEY, celui-là même qui l'a accompagné ici dans le tems et qui avait fait le réticule ; quoique j'eusse envoyé, pour échantillon, un débris du fil cassé, celui qu'il m'envoya quelques jours après était beaucoup trop gros et ne pouvait par conséquent servir. On m'informait en même tems que la seule personne qui avait fait cet article à Paris n'existait plus et qu'il n'y en avait plus dans le commerce. J'ai alors envoyé un de mes amis chez Mme GAMBEY et je reçois à l'instant la nouvelle que sa démarche n'a pas eu de succès.

On me dit que peut-être nous réussirions mieux si cette demande venait officiellement de l'Observatoire ; si vous jugez à propos de le faire, je vous remettrai le
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morceau de l'ancien fil ; mais je crois qu'il serait prudent d'en demander de quoi remplacer tous les fils, dans le cas où il y aurait encore une différence de grosseur, et aussi pour être à même de parer aux accidents futurs.

Car, Monsieur, cet accident, que je regrette plus que personne et qui est arrivé malgré toutes les précautions les plus minutieuses, se représentera encore dans un tems plus ou moins éloigné. C'est une de ces choses dont on ne peut pas plus répondre que de ne pas se casser la jambe, en marchant au milieu de la rue la mieux pavée.

Si vous préfériez envoyer le réticule à Paris, je supporterai les frais qui en résulteront ; mais il serait mieux que nous eussions le fil, mon intention étant de le remettre sans déranger la plaque. Si, enfin, il y a impossibilité d'avoir un fil métallique, il ne restera plus qu'à y adapter un ou des fils d'araignée qui, je crois, peuvent tout aussi bien remplir le but ; le réticule de l'équatorial n'est pas fait autrement.

Ensuite de la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 8 de ce mois, j'ai revu
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l'appareil de KREIL qui enregistre les températures ; il ne pouvait, en effet, pas fonctionner convenablement, mais ce n'était pas pour la cause indiquée, c'est-à-dire, le défaut de nettoyage ; cet instrument a été mis à neuf, il n'y a pas longtems et il est en bon état. Mais il est d'une construction vicieuse en tous points et pour en tirer quelque parti on doit prendre les précautions suivantes :

1° Les deux crayons doivent avoir la même longueur ; quand ils sont libres, la pointe ne doit pas toucher le papier et la tige flexible qui les porte doit être un peu écartée de la petite barre verticale qui les presse simultanément quand ils doivent marquer.

2° La tige flexible qui porte le crayon ne doit pas toucher aux côtés de l'entaille pratiquée dans le volet ; c'est ce que j'ai trouvé dans l'appareil, indépendamment du crayon qui était trop court.

On évitera ce défaut, en déplaçant un peu l'axe sur lequel le thermomètre et la tige flexible sont attachés ; cet axe étant formé de deux couteaux qui reposent sur des portions de cylindres creux en verre, n'a pas une position unique et bien déterminée ; s'il se déplace accidentellement, il pourra, en raison
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de la grande différence des bras de leviers, occasionner un frottement de la tige flexible contre un des côtés de l'entaille pratiquée dans le volet et le thermomètre ne pourra plus marquer.

Ce déplacement se fera infailliblement chaque fois que l'on changera le crayon ; il faudra donc y remédier chaque fois, en poussant latéralement sur la partie de la tige du thermomètre qui est en dedans de la pièce. On obtiendra ainsi le mouvement libre et du thermomètre et du crayon.

Veuillez, Monsieur, agréer les nouvelles assurances de mon bien sincère dévouement.

[signé] A. Beaulieu

Date: 
Mercredi, 12 juin, 1850 - 00:00
Écrit par: 
Arsène Beaulieu, aide-mécanicien à l’Observatoire
Adressé à: 
A. Quetelet
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