Projet d'observations météorologiques dans les écoles d'agriculture

[ceci est la minute de la réponse de Quetelet à la lettre du ministre de l'Intérieur du 13 juin 1850 ; elle a été dictée à un collaborateur]

Observatoire royal de Bruxelles
1 annexe

À Monsieur le Ministre de l'Intérieur

Bruxelles le [ ] juin 1850

Monsieur le Ministre,

Par votre dépêche du 13 de ce mois, 8e division, N° 44,000, vous avez bien voulu m’entretenir d’un demander mon avis sur un projet qui vous a été suggéré par M. l’Ingénieur BIDAUT, et qui consisterait à charger les professeurs des Ecoles d'Agriculture & d'Horticulture, de faire des observations régulières sur la météorologie.

Je ne puis qu'approuver entièrement le projet de M. BIDAUT ; il rentre tout-à-fait dans les idées que j'ai émises depuis long-temps et je pense qu'on réaliserait un grand progrès, si l'on parvenait à remplacer chez l'agriculteur, la pratique aveugle par l'observation précise des phénomènes naturels : vous remarquerez, Monsieur le Ministre, que je ne vois pas seulement, dans le système d'observations qu'il s'agit d'organiser, un moyen de recueillir les données nécessaires à la science, mais je le considère comme un élément de succès pour les écoles.

Dans ma pensée, l'observation des phénomènes du règne végétal devrait être intimement liée
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avec celle des phénomènes météorologiques ; la corrélation qui existe entre ces deux classes de phénomènes est trop grande pour qu'on puisse les séparer et c'est leur étude comparative qui doit surtout profiter à l'Agriculture.

J'ai rédigé, il y a quelques années, des instructions pour l'observation de phénomènes périodiques ; j'ai l'honneur de vous transmettre un exemplaire de ce travail, en me réservant, si vous approuvez mes idées, de réduire le programme des observations relatives aux plantes. Il ne s'agit pas autant de recueillir un très grand nombre d'observations que d'avoir des observations bien faites & sur lesquelles on puisse compter.

C'est pour la même raison que je me bornerai à demander, pour la météorologie, deux observations par jour, à 9 heures du matin & à midi, sur la pression de l'air, la température, l'état du ciel, le vent et la quantité d'eau tombée.

Les instruments à acquérir, pour chaque école, seraient, un Baromètre, un Thermomètre à maxima & à minima et un Pluviomètre ; ils devraient être construits avec soin et comparés aux instruments de l’Observatoire. Ces instruments, d'ailleurs, sont indispensables dans une école d'agriculture [cette dernière phrase a été ajoutée par Quetelet lui-même]. Le baromètre serait observé à 9h et à midi, le thermomètre également : de plus, pour ce dernier appareil, on noterait à midi, le maximum et le minimum de température pendant les vingt-quatre heures écoulées. L'eau serait recueillie à midi.

La direction du vent et l'état du ciel seraient enregistrés aux deux heures d'observations et l'on marquerait en outre l'aspect général de la journée précédente & les phénomènes qui auraient
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pu se présenter, entre autres, les brouillards, orages etc.

Voilà en peu de mots, Monsieur le Ministre, le système d'observations que je désirerais, pour ma part, voir organiser dans les Ecoles d’Agriculture ; si vous l'approuvez, je me ferai un devoir et un plaisir de donner tous les renseignements & éclaircissements qui pourraient m'être demandés.

Agréez, je vous prie, Monsieur le Ministre, l'assurance de mes sentiments respectueux.

Le Directeur de l'Observatoire,
[paraphe]

Date: 
Samedi, 15 juin, 1850 - 00:00
Écrit par: 
A. Quetelet
Adressé à: 
Charles Rogier, ministre de l'Intérieur
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