Traitement et position des aides

Monsieur le Ministre,
Je vous remercie pour les intentions bienveillantes que vous avez témoignées en faveur de mes aides dans votre lettre du 17 de ce mois, n° 1627/68, 5e div. Dans la prévision de la demande que vous voulez bien me faire, j’avais déjà pris des renseignements auprès de Messieurs MAILLY et BOUVY sur le maximum du temps qu’ils pourraient consacrer à l’Observatoire.
M. MAILLY m’a formellement déclaré qu’après avoir calculé pendant trois à quatre heures par jour, comme il le fait actuellement, il ne pourrait se livrer à de nouveaux calculs ; et que ses occupations à l’Ecole militaire et au Musée, en fesant [sic] diversion à ses travaux, sont plutôt un délassement qu’une fatigue. Je pense donc que nous ne pouvons point espérer qu’il consacre à l’Observatoire plus de temps qu’il ne le fait. Il resterait cependant la question de savoir s’il se trouve assez rétribué pour la partie de temps qu’il donne à l’établissement ; peut-être y aurait-il lieu de faire quelque chose en sa faveur, surtout si l’on prend en considération ses 22 années de services.
Pour ce qui concerne Mr BOUVY, vous avez dit, dans une lettre précédente, je crois, M. le M., qu’aux 1 400 francs qu’il reçoit actuellement, il joint 600 francs pour indemnités de ses travaux dans la révision et la correction des épreuves de toute la partie scientifique des publications de l’Académie royale. Ces travaux sont très pénibles, et exigent des connaissances spéciales : seulement il avait
été convenu qu’ils se feraient en dehors des occupations ordinaires de l’Observatoire.
Ces dernières occupations avaient été réglées en 1848 ; et devaient se limiter, vu la modicité du traitement alloué aux aides observateurs, à quatre heures de travail par jour (de 9 heures à 1 heure de l’après-midi) et, deux fois par semaine, à 3 heures d’observations dans la soirée. Or, depuis assez longtemps, les travaux de l’Observatoire et ceux de l’Académie se font simultanément pendant les quatre heures de travail du jour. J’ai fait des représentations à ce sujet, M. BOUVY m’a répondu en se plaignant [de] l’insuffisance de son traitement, qui est en effet inférieur à celui des moindres commis, bien qu’il soit en fonction depuis plus de 17 ans et chargé de travaux pénibles, dont il s’acquitte avec zèle et intelligence. Comme ses motifs me semblent fondés, et qu’il me serait fort pénible de me priver de ses services dont j’ai lieu d’être très satisfait, j’ai dû accepter l’état actuel des choses.
Il en résulte que je n’ai véritablement pas deux aides dans MM. MAILLY et BOUVY ; ils me donnent chacun tout au plus la moitié du temps que me consacrerait un seul aide convenablement rétribué. M. BOUVY ne se refuserait du reste pas à donner plus de temps à l’Observatoire, si son traitement était augmenté.
Je désire vivement, quant à moi, qu’il soit fait droit à sa demande que je crois juste. Je lui destine plus spécialement les travaux de météorologie et la réduction ainsi que la coordination des travaux météorologiques qui se font actuellement dans les douze stations auxquelles l’Etat a donné des instruments d’observation, dans la vue d’étudier la climatologie de la Belgique.
Pour l’aide astronome qui reste à nommer, [suite du paragraphe page suivante] j’ai vu, depuis 3 à 4 ans, échouer toutes mes recherches, malgré des subsides divers ajoutés au traitement de 1 400 francs portés au budget ; parce que ce traitement a été jugé insuffisant, même par des jeunes gens, au sortir de leurs études.
Je préférerais, je l’avoue, voir supprimer cette allocation au budget et renoncer aux observations astronomiques plutôt que de les confier à des mains inhabiles. Mes exigences à ce sujet vont très loin dans l’intérêt de la science et de l’Etat.
Je demanderais de l’aide astronome, outre six heures de travail, deux heures au moins de travaux de nuit, chaque jour, soit pour observer, soit pour vérifier les instruments. De plus, comme
je l’ai exprimé déjà dans ma lettre précédente, non seulement l’aide astronome doit être en état non seulement [sic] de réduire ses observations lui-même, mais encore d’aborder tous les problèmes astronomiques, surtout ceux qui exigent des connaissances mathématiques approfondies.
Par suite, je pense que les traitements de pareils aides devraient moyennement être de 4 000 francs, comme ceux des professeurs extraordinaires des universités de l’Etat, en fixant le minimum à 3 000 et le maximum à 5 000 francs. Dans le cas où un aide ne donnerait qu’une partie de son temps à l’Observatoire, il ne recevrait qu’une partie proportionnelle du traitement intégral attaché à la place.
Les traitements ne sont certes pas élevés si l’on considère les charges qui y sont attachées et les connaissances qu’on exige des titulaires. Un bon aide d’observatoire doit, par ses talents, être à la hauteur d’un professeur d’université, et ses fonctions sont beaucoup plus pénibles.
Agréez &a

Date: 
Vendredi, 23 juin, 1854 - 00:00
Écrit par: 
A. Quetelet
Adressé à: 
Ferdinand Piercot, ministre de l'Intérieur
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