Envoi de thermomètres, description et mode d’emploi

Société météorologique de France
Secrétariat
Rue du Vieux Colombier, 24
Paris, le 14 juin 1859
Monsieur,
L'envoi que j'ai à vous faire a éprouvé quelques retards par suite de circonstances indépendantes de ma volonté : aujourd'hui, je suis prêt. L’envoi vous sera fait par Mr BAUDIN ; quoiqu'il y ait un thermomètre, celui à échelle arbitraire, qui ne soit pas de ce constructeur, il est convenu qu'il en touchera le prix en même tems que celui de ses quatre thermomètres, au total 65 f.
Vous pourrez le faire solder par la voie qui vous sera la plus commode, par exemple par une occasion que vous auriez d'ici à un mois ou six semaines ; la personne qui se chargerait de le solder lui écrirait de se trouver à son hôtel à telle heure, il s'y rendrait et donnerait quittance de la somme.
Mr BAUDIN demeure rue des Grès, 24 près le Panthéon et le Luxembourg.
Voici maintenant le résumé des essais que j'ai faits sur vos différents thermomètres.
Le th. étalon n° 17 de TONNELOT a dans ce moment son zéro à 41d,3 et son point 100° à 533d,85 ; ce point 100 étant corrigé de manière à correspondre à Paris à une pression barométrique de 759mm,80.
Nous définissons le point 100° la température de la vapeur d'eau portée à l'ébullition quand le baromètre marque 760mm,00 à 45° de latitude et au niveau de la mer. La formule qui donne la pression correspondant au p[oint] 100° en tout autre point est : 760mm + 1,98 cos. 2 l + 0,0015 H. H est la hauteur en mètres et le résultat est en millimètres.

L'étalon n° 17 a dans des divisions telles que 492d,55 équivalent au 100° [une 1° division ?] = 4div,9255 et 1 division = 0°,2030. Avec cette valeur, il vous sera facile de construire une table qui donnera à vue la correspondance des divisions de l'étalon avec l'échelle centigrade. Ainsi 41d,3 correspondant à 0°42 correspondra + 0 div,7 = 0°,1421 ou simplement 0°,142. Ajoutant successivement la fraction 0,203 et calculant d'avance les valeurs de 10 en 10 pour avoir des repères de vérification, on construit rapidement toute la table.
On place à la fin une petite table supplémentaire qui donnera ce qu'il faut ajouter pour les dixièmes de division de manière à ce que tous les calculs se fassent à vue ou au moins par une simple addition, au résultat on ne conserve que deux chiffres décimaux.
Ce therm. étant nouvellement construit et ayant été récemment, le 1er juin, soumis à des ébullitions multipliées, son zéro remontera rapidement et ce déplacement s'opérera pendant 2 ou même 3 années ; jusque-là vous serez donc obligé de vérifier d'abord son zéro pour vous en servir. Cette circonstance est fort désagréable mais on ne peut l'éviter. Je vous engage à ne plus le soumettre à des températures supérieures à celles de l'air et à le vérifier seulement à la glace, pour lui laisser prendre son point de repos définitif après le laps de tems que je viens de vous indiquer.
Le zéro devra remonter vers 42 divisions au lieu de 41,3, vous pourrez construire la table de correspondance des divisions avec l'échelle centigrade en partant du zéro à 42 et tenir compte de la différence à mesure que vous vérifierez le zéro.
Les 4 therm. de BAUDIN n° 280, 1, 2, 3, sont destinés à vous servir de therm. d'observations journalières, pour éviter d'avoir un trop grand excès au-dessus de zéro, par suite du déplacement qui se fait avec le temps, je les ai fait graduer de manière qu'actuellement ils marquent un peu trop bas.
Voici les résultats des comparaisons :
dans la glace ils marquent tous 0°,1 trop bas
à 30° ils marquent trop bas de
n° 280 0°,20
281 0,18
282 0,15
283 0,15

Les différences se répartissent ensuite proportionnellement dans l'intervalle de 0° à 30°. Comme ils auront encore à subir un déplacement du zéro, vous aurez à les vérifier de tems en tems.
Je crois devoir vous rappeler que cette vérification doit se faire pour toute sûreté dans de l'eau agitée et maintenue à une température stationnaire. De plus, on échauffe ou on refroidit légèrement l'eau de manière que le mercure, dans le therm. à vérifier s'arrête exactement à un trait ; on a ainsi la correction de therm. qui ne sont divisés qu'en degrés de 0°,02 ou 0°,03 près. Ensuite on ne fait les corrections qu'en dixièmes, ainsi avec le n° 280 on corrigerait de 0°,1 jusqu'à 15d et de 0°,2 au-dessus de ce terme.
Je vous demande pardon de tous ces détails minutieux ; ils sont le résultat d'une longue pratique et n'ont pour but que de vous éviter des tâtonnements. L’exactitude est d'ailleurs la loi et la nécessité de notre époque où les à peu près sont avec raison repoussés de plus en plus.
Je demeure toujours à votre disposition quand vous aurez besoin d'instrumens. Je vous prie de présenter mes respects à Mr QUETELET.
Recevez, Monsieur, l'expression des sentimens de votre dévoué
[signé] E. Renan

[enveloppe]
Monsieur Bouvy
Astronome à l'Observatoire de Bruxelles
(Belgique)
[cachet postal] Paris – 15 juin 59
[cachet postal] Bruxelles – 16 juin 1859
[autres cachets postaux]
[cachet de cire]

Date: 
Mardi, 14 juin, 1859 - 00:00
Écrit par: 
Ernest Renan, secrétaire de la Société météorologique de France
Adressé à: 
Victor Bouvy, aide observateur
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