Rapport sur le contingent et la rémunération des aides de l’Observatoire

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[À] Monsieur le Ministre de l'Intérieur
Bruxelles, le 15 février 1854
Monsieur le Ministre,
J’ai l’honneur de vous adresser le rapport sur l’Observatoire royal de Bruxelles prescrit par l’article 7 du règlement de cet établissement et demandé par votre lettre du 6 de ce mois, n° 756 / 3282, 5e division. Je n’ai pas cru devoir comprendre dans la partie destinée à recevoir de la publicité, ce qui concerne les aides, par des motifs que vous apprécierez sans peine.
Je commence par rendre justice à MM. MAILLY et BOUVY, qui ont continué à me seconder avec zèle dans les limites des fonctions qui leur sont confiées.
Après plusieurs essais infructueux pour remplacer M. HOUZEAU, je fais une nouvelle tentative ; j’ai pris à l’essai M. HEYVAERT, préparateur de physique et de chimie à l’Université de Bruxelles, en me réservant de vous soumettre plus tard, une demande de nomination en sa faveur, s’il y a lieu, ou une simple indemnité dans le cas contraire. J’ai pensé que je ne pouvais m’entourer de trop de précautions, d’après l’expérience du passé.
Pour ce qui concerne la place de M. BEAULIEU, je crois qu’il serait préférable, pour le moment, de ne pas changer le règlement de l’Observatoire et d’appeler tout simplement M. BLANPAIN à remplacer provisoirement M. BEAULIEU dans les fonctions qui lui étaient confiées, sans faire mention de M. GRÉGOIRE. Je dis provisoirement avec intention

parce que je n’ai pas encore de données suffisantes pour juger de l’aptitude de M. BLANPAIN, comme mécanicien et comme observateur.
S’il ne réussissait pas dans la carrière de l’observation, il serait temps alors d’en venir à l’arrangement proposé dans votre lettre du 28 janvier dernier, n° 1627/68, 5e division, et de s’entendre avec lui, pour l’entretien des instruments, par voie d’abonnement.
Permettez-moi, Monsieur le Ministre, de vous soumettre, au sujet des aides en général, quelques observations que j’ai déjà présentées à plusieurs reprises et dont je sens malheureusement de plus en plus la justesse.
Le traitement des aides à l’Observatoire est absolument insuffisant, si l’on veut avoir des hommes capables et uniquement occupés de leur service : ce n’est pas avec 1 400 ou 1 600 francs, qu’on peut trouver des calculateurs qui ont approfondi les théories mathématiques dans leurs rapports avec les sciences d’observation, ou des observateurs qui se dévouent à des travaux pénibles de nuit et de jour, avec les talents nécessaires pour faire avancer la science.
Aussi les deux aides qui me restent ne me consacrent qu’une partie de leur temps ; vouloir les assujettir à des travaux suivis, ce serait me priver de leurs services. M. BOUVY, par exemple, vient chaque jour à 9 heures du matin et se retire entre midi et 1 heure ; il n’a d’autres obligations ensuite que de venir observer, le soir, deux fois par semaine, et pendant l’espace de trois heures.
Quelque peu assujettissantes que soient ces conditions, il se trouve cependant que, depuis deux à trois ans, je cherche inutilement une personne qui consente à les accepter, et qui soit, je ne dirai pas capable, mais qui annonce des dispositions heureuses. Le peu de candidats qui se sont présentés pour la place d’aide astronome, ne voulaient l’accepter que dans la vue de jouir d’un traitement d’attente jusqu’à ce qu’ils pussent passer à d’autres fonctions, car ils ne considèrent l’Observatoire que comme une espèce d’impasse, ne laissant d’ouverture à aucune carrière.
Il est résulté de là qu’il m’est impossible de faire marcher convenablement de front les travaux météorologiques et les travaux astronomiques. J’ai dû réduire ces derniers aux observations ordinaires des instruments méridiens. J’ai même lieu de craindre qu’en dehors des observations de M. BOUVY, nous n’ayons à rejeter toutes celles faites par les autres aides qui se sont succédés depuis deux à trois ans. Il vaut infiniment mieux ne rien publier, que de donner des documents défectueux.
Cet état de choses m’afflige et me décourage. Je me demande par suite s’il ne conviendrait pas de s’en tenir à la météorologie et à la physique du globe où nous travaillons avec un avantage marqué et qu’aucune nation ne nous conteste aujourd'hui.
Certes nous pourrions lutter avec le même succès en astronomie ; ni le local ni les instruments ne nous manquent ; mais il faudrait des observateurs, ne fut-ce même qu’un seul observateur qui s’occupât tout entier de son affaire et pût se trouver auprès de ses instruments à toute heure du jour et de la nuit, quand le service l’exigerait. Un pareil observateur ne se payerait pas au prix de 1 400 francs. Voici, M. le Ministre, ce que le nouveau règlement de l’Observatoire de Paris accorde aux aides, outre le logement et d’autres avantages :
1er astronome 5 000 francs
2e ʺ 4 500
3e ʺ 4 000
4e ʺ 3 500

Le traitement des astronomes adjoints (le nombre n’est pas indiqué) peut varier de 2 000 à 3 000 francs. Celui des élèves de 1 500 à 2 000 francs.
Ainsi le dernier des élèves de l’Observatoire de Paris reçoit plus qu’aucun astronome de l’Observatoire royal de Bruxelles. La disproportion est beaucoup plus forte encore eu égard à l’Observatoire d’Angleterre. Cet état de choses est fort bien connu de tous les jeunes gens qui chez nous aspirent à suivre la carrière des sciences, et explique suffisamment, je crois, l’impossibilité où je suis depuis plusieurs années de trouver des aides capables et qui consentent à me donner tout leur temps.
Agréez, &a

Datum: 
woensdag, 15 februari, 1854 - 00:00
Geschreven door: 
A. Quetelet
Gericht aan: 
Ferdinand Piercot, ministre de l'Intérieur
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