Budget de l’Observatoire

[ceci est la minute de la réponse de Quetelet à la lettre du ministre de l'Intérieur du 19 octobre 1849]

Observatoire royal

Bruxelles, le 21 octobre 1849

Monsieur le Ministre,

Par votre lettre du 19 octobre de ce mois, n° 5192, 5e Div[ision], vous avez bien voulu me demander quelques explications au sujet du projet de budget pour l’exercice 1850.

Vous me demandez d’abord si l’aide mécanicien est assez utile pour qu’on maintienne son emploi. Je croyais m’être expliqué. J‘aurai l’honneur de vous faire observer que je ne pense pas qu’il existe un seul établissement astronomique, auquel on n’ait jugé nécessaire d’attacher un ou plusieurs mécaniciens à des titres plus ou moins onéreux. L’Observatoire de Paris en a eu jusqu’à trois spécialement chargés des instruments d’astronomie, d’horlogerie et d’optique ; il en a deux encore. À présent, nous n’en avons qu’un seul et qui est chargé en outre de prendre part aux observations de nuit.

M. BEAULIEU ayant jugé ces derniers travaux trop pénibles, m’a demandé de pouvoir les faire confier à une autre personne [inséré ultérieurement : à M. GRÉGOIRE] avec qui il partage son traitement, en se réservant la partie purement mécanique et l’entretien des instruments. J’ai consenti à cet arrangement et j’ai lieu de m’en féliciter, car M. GRÉGOIRE remplit ses fonctions avec la plus scrupuleuse exactitude.

M. BEAULIEU dont j’avais d’abord eu grandement à me louer, a peut-être laissé à désirer depuis quelques temps. Il a répondu à mes représentations par des excuses plus ou moins fondées. Quoiqu’il en soit, Monsieur le Ministre, je crois absolument indispensable pour le moment de maintenir l’ordre des choses établi ; peut-être
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plus tard aurai-je d’autres arrangements à proposer dans l’intérêt de l’établissement. ; mais je ne pense pas qu’en aucun cas, ils puissent réduire les indemnités affectées à l’entretien du matériel. Ce serait compromettre des valeurs considérables et des instruments dont la perte, pour plusieurs, serait irréparable aujourd’hui.

Vous me demandez ensuite des explications sur l’emploi de la somme de 3 350 f[rancs] affectée aux impressions. Vous n’ignorez pas, M. le Ministre, qu’outre les impressions spéciales pour formules, cadres [ou ?] calculs, [etc. ?], l’Observatoire fait imprimer annuellement 1 volume in 4° des Annales de l’Observatoire et un Annuaire publié à la vérité aux risques des éditeurs, mais dont le gouvernement achète des exemplaires, pour les membres des chambres, pour les observatoires étrangers et pour son propre service. Cette somme de 3 350 francs, établie approximativement, est plutôt insuffisante qu’exagérée ; et cela est si vrai que d’année en année, il a fallu rejeter des portions de comptes de l’imprimeur sur l’exercice suivant. Je citerai pour preuve votre lettre du 29 août dernier, n° 4496, 5e division dans laquelle vous demandez de rejeter au prochain exercice une somme de 630 f[rancs], partie d’un compte de 3 981 de l’imprimeur.

Je ne saurai à cet égard que m’en référer à tous mes comptes antérieurs. Je ferai observer toutefois que le manque de fonds m’a empêché jusqu’à présent d’imprimer une seule observation astron[omique]. Je n’ai pu imprimer que les observations de météorologie et de la physique du globe.

Vous me faites aussi l’honneur de me dire que la somme de 1 000 francs demandée pour la bibliothèque est trop élevée eu égard à ce qui a été dépensé pour 1847 et 1848. Mais, M. le Ministre, si je avais [sic] dépensé, comme me le demandait la science, ces 1 000 francs chaque année pour la bibliothèque, le déficit aurait été bien autrement considérable. Je me suis attaché avant tout de rester dans les limites des deux articles de votre budget qui sont, conformément à vos instructions à votre lettre du 27 sept[embre] de cette année, n° 5192, 5e div. de :
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pour personnel 14 840 f. / pour matériel et acquisitions 7 160 f. / [total] 22 000.
Si j’ai donné quelques sous-divisions à ce dernier article, c’était plutôt pour vous éclairer sur la marche que je me proposais de suivre que pour me lier pour des articles détails de telle façon que ma marche fut entièrement entravée qui finiraient par me mettre dans l’impossibilité d’agir. Quand ma dépense présumée sur un article se trouve forcément dépassée, il faut bien que je cherche une compensation sur un autre et que je remédie par un inconvénient à un autre plus grave ; c’est ce qui fait que je n’ai point porté d’article pour dépenses imprévues.

L’achat d’instruments a été omis à dessein, parce qu’avec le budget actuel, il est impossible de songer à l’acquisition d’aucun instrument astronomique. Il peut se faire cependant que l’acquisition d’un instrument de physique d’usage habituel [NB : « de physique » biffé lors de la rédaction de ce paragraphe ultérieurement supprimé] devienne indispensable par une circonstance exceptionnelle.

Je vous prierais donc instamment, Monsieur le Ministre, de ne considérer les articles de détail relatifs à l’emploi de 7 160 [francs] que comme établissant des limites que je m’efforcerai d’atteindre. Il n’existe peut-être pas d’établissement où l’imprévu ait une part plus grande. Un instrument essentiel au cours des observations peut se casser ou bien exiger de grosses d’importantes réparations. Il faut bien alors en trouver les frais ailleurs et se créer un embarras financier de ce côté pour obvier à un embarras plus grand.

Je ne puis que répéter que ce que j’ai eu l’honneur de vous écrire dans mes lettres des 2 et 15 octobre dernier ; le budget tel qu’il est établi actuellement est insuffisant pour soutenir l’Observatoire dans le rang honorable qu’il avait réussi à se faire. Je me trouve dans une position exceptionnelle, et le budget que je présente ne peut être suffisant ne prévoit que les besoins les plus urgents ; mais il peut se faire que ce que j’avais cru plus urgent, le devienne ensuite moins comparativement à d’autres dépenses qui deviennent indispensables.

Je vous prie donc, Monsieur le Ministre, de me laisser. Je dois demander quelque latitude dans l’intérêt même de l’établissement qui m’est confié. Je crois avoir mérité cette confiance par mon dévouement à la science et par la plus stricte économie que je me suis attaché à mettre dans l’emploi des fonds qui sont mis à ma disposition.

[note écrite postérieurement en regard des deux derniers paragraphes] vu [mais ?] modifié

Agréez &a…

Date: 
Sunday, 21 October, 1849 - 00:00
Written by: 
A. Quetelet
Addressed to: 
Charles Rogier, ministre de l'Intérieur
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