Projet d’observatoire, situation de l’Académie

[NB. Ce rapport n'est pas daté].

Je crois qu’on pourrait y répondre sans peine, on ne l’établirait dans aucune ville d’université, parce qu’un grand observatoire est plutôt un établissement qui doit être adjoint à une académie où l’on cherche à donner de l’extension aux sciences, à faire de nouvelles recherches ou à en vérifier d’autres que l’on vient de faire chez les étrangers et sur lesquelles on consulte l’Académie, tandis que dans une université, au contraire, on ne développe que les élémens de l’astronomie et, si l’on est dans le cas de faire des [?] observations, on ne s’attache pas à obtenir une précision bien rigoureuse et, d’ailleurs, quelques instrumens de peu de prix sont plus que suffisans pour faire connaître aux élèves l’application après avoir enseigné la théorie. On peut ajouter à ces raisons que le bâtiment qui, pour son avantage-même, doit être peu élevé et d’une dimension assez médiocre, entraînerait peu de frais [???]. Si Bruxelles avait l’avantage de l’obtenir, elle ne ferait sans doute aucune difficulté de se charger de cette dépense. Le gouvernement pourrait ensuite subvenir aux frais des instrumens qui sont peu nombreux : il suffit d’en avoir cinq ou six bons pour se trouver entièrement montés.

Depuis le peu de temps que je me trouve à l’Observatoire de Paris, j’ai pu juger des services immenses que cet établissement rend aux sciences. Je ne parle pas du Bureau des longitudes qui publie tous les ans dans la connaissance des temps, tout ce qui intéresse les marins et tout ce qui se rattache au calcul des marées pour les divers ports de France, mais des observations exactes et suivies que viennent emprunter tous les savans pour donner de l’autorité à leurs ouvrages. C’est là que Mr LAPLACE est venu puiser les données qui lui ont servi à composer sa Mécanique céleste, c’est là qu’il vient encore tous les jours prendre les hauteurs barométriques et thermométriques dans les différentes phases de la Lune pour en déduire l’action de cet astre sur les fluides contenus dans les tubes : ces observations lui sont transmises par les astronomes et c’est ainsi qu’en s’entraidant, on parvient à faire mieux que si l’on avait été levés [?] à ses propres moyens.

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On pourrait profiter de la forme [?] pour favoriser
Notre pauvre Académie est bien loin d’être ce qu’elle devrait être ; mais aussi peut-on exiger beaucoup de ses membres, ils n’y trouvent aucune ressource, pas même celle d’une bibliothèque. Ils doivent rester étrangers aux recherches nouvelles de la physique, ils n’ont pas d’instrumens pour les suivre, ils ne peuvent pas même assister aux phénomènes que leur présente le ciel. Dans cet état de choses, ils se trouvent obligés de se taire ou de présenter des recherches théoriques qui n’ont souvent aucun intérêt, cette dernière partie même est bien loin de prendre chez nous la direction qui lui convient. On s’amuse généralement trop à des recherches peu importantes.

Si je ne craignais de me troubler avec l’Académie, j’ajouterais bien quelques mots à mes remarques : elle a des fonds à sa disposition et cependant, elle fait difficulté d’en détourner une faible partie pour acheter des instrumens et suivre les expériences nouvelles [?].
Je puis dire la vérité comme je la sens : nous sommes bien loin de ce que nous devrions être et cependant nous avons des hommes qui ici même ne se trouveraient pas déplacés.

[suit un long passage biffé]

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[verso : deux schémas]

Date: 
Friday, 31 December, 1824 - 00:00
Written by: 
A. Quetelet
Addressed to: 
Antoine Reinhard Falck, ministre de l’Instruction publique
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