Réactions à l’arrêté ministériel définissant les conditions d’engagement à l’Athénée

A Monsieur Van Ewyck, administrateur général de l’instruction &a

Monsieur,

Lorsque j’eus l’honneur de vous parler dans ma dernière lettre de la pétition que j’avais adressée à notre bureau de l’Athénée, d’après sa propre invitation et après être convenu des conditions nouvelles qui m’engageaient, j’étais loin de m’attendre que l’arrêté fût déjà pris. Je ne doute aucunement que les choses ne vous aient été présentées par Mr BARTHELEMY comme m’étant entièrement favorables et qu’en signant l’arrêté, vous n’ayez eu l’intention d’ajouter encore à ce que je vous dois déjà. Cependant la copie d’une lettre que j’adresse à notre bureau pourra vous montrer que les choses ne vous ont peut-être pas été présentées sous leur vrai jour. Mr DEWEZ, au reçu de l’arrêté, s’empressa de me l’annoncer comme une excellente nouvelle ; quand il eut connaissance de l’état des choses, il s’exprima d’une manière toute différente, peut-être en ferez-vous autant. Cependant il est une foule de détails qui doivent vous être inconnus. Vous ignorez probablement encore à présent que Mr BARTHELEMY, en me nommant au nom du bureau pour les leçons publiques du Musée, dit que la Ville se chargeait de l’affaire de Mr. DELHAYE ce qu’il m’a répété jusqu’au

[page 2] dernier jour où j’ai eu l’honneur de le voir. D’après l’assertion d’un homme de ce caractère, je devais être tranquille pour l’avenir et puisque la ville me payait effectivement avec régularité, je ne devais pas songer à faire ratifier la chose par le gouvernement. On m’apprit le contraire à mon grand étonnement lorsqu’il s’agit de la place de Mr. THIRY et Mr BARTHELEMY, qui avait été si malheureux négociateur la première fois, fit pis encore cette fois-ci. Mr BARTHELEMY d’après son dire, semble craindre que je ne m’enrichisse trop quoique, tout réuni, je n’ai pas même les minervaux d’un professeur de mathématiques élémentaire dans une université. De pareilles discussions font peine à l’homme qui sent perdre sa dignité ; et j’aimerais mieux sortir de l’enseignement que d’y voir trafiquer mesquinement de ma personne. Je n’ai point recherché les plans des universités, cependant, j’y avais droit et par mon ancienneté et par mes travaux puisqu’il faut le dire, mais ce n’était point dans l’attente de devenir l’objet des mesures mesquines de Mr BARTHELEMY. J’évite, Monsieur, à votre délicatesse les ignobles détails d’intérêt, je désire seulement que vous ayez connaissance du vrai état des choses. Je crois vous avoir assez prouvé que mon unique désir est de pouvoir contribuer un peu à l’avancement des sciences et de faire connaitre nos richesses aux étrangers, avec de pareilles vues, je ne saurais allier les gouts d’un lucre sordide mais je dois défendre mes intérêts

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surtout lorsqu’on me blesse dans un sentiment qui me soutient au milieu de mes travaux et de mes veilles. Je ne veux pas de leur argent, mais je veux de la justice. Et si je suis un jour dans le cas d’avoir un peu d’argent de trop pour mes besoins qui sont assez modérés, je saurai le tourner encore au profit des sciences et donner ainsi une leçon d’une autre nature aux négociateurs qui n’ont de grandeur que dans leurs paroles.

Je vous demande pardon, Monsieur, de m’exprimer peut-être avec un peu de chaleur mais vous m’excuserez sans doute ; vous connaissez ce sentiment qu’on a blessé en moi, et vous devez savoir alors qu’il n’est pas tout à fait maitre de ses premiers élans.

Recevez, je vous prie, Monsieur, l’assurance de ma considération la plus distinguée avec laquelle j’ai l’honneur d’être

Votre très dévoué serviteur
[signé] Quetelet

Le 29 juin 1826

Date: 
Thursday, 29 June, 1826 - 00:00
Written by: 
A. Quetelet
Addressed to: 
D.J. Van Ewyck, administrateur général de l’Instruction publique
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