[note Van Boxmeer] 33
À Monsieur Van Eyck, administrateur de l’Instruction publique, &a
Monsieur,
J’espère que vous aurez reçu en bon état les deux chronomètres que j’ai eu l’honneur de vous adresser par Monsieur HAYEZ. Quant aux boussoles, je ne sais à quoi attribuer le silence de M. SOUTH qui commence à me donner quelqu’inquiétude. J’ai reçu deux lettres de MM. BARLOW et SABINE mais qui ne font autrement mention de ce savant.
BARLOW me parle des nouveaux essais qu’il fait pour construire des lunettes achromatiques plus grandes que celles qu’il m’a montrées. M. SABINE me donne des détails fort intéressans sur une expédition scientifique qu’entreprend M. FOSTER dont j’ai eu le plaisir de faire la connaissance la veille de mon départ de Londres ; comme ces détails peuvent vous intéresser, j’ai jugé convenable de vous en faire parvenir un extrait que voici :
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« Dans ces derniers jours, nous avons été occupés à rédiger le plan de route d’une nouvelle expédition maritime, spécialement consacrée aux sciences, qui doit faire voile au mois d’avril sous les ordres du capitaine FOSTER et à préparer un mémoire sur les objets qu’il doit se proposer pour but : parmi lesquels le pendule tient le premier rang. Le capitaine est muni de deux pendules invariables semblables au vôtre ; qu’il est chargé d’observer en 26 stations, dont trois seulement sont situées dans les latitudes moyennes de notre hémisphère et toutes les autres sont ou bien voisines de l’équateur ou dans l’hémisphère austral. On veut par là former autant que possible trois zones de stations. L’une équatoriale, savoir comprise entre 10°B et 10°A ; une seconde zone dans les latitudes moyennes australes entre 10° et 50° et une troisième sous le 50ième et au-delà. Les stations sont ainsi qu’il suit pour la succession dans laquelle on doit les visiter.
1828
Les isles du Cap Vert
L’île St Catherine [Brésil]
Monte Video
L’entrée orient. du détroit de Magellan
L’île Staten
1829
Nouvelle Shetland
Cap de Bonne Espérance
Pata, côte orient. d’Afrique
Les îles Maldives
Pointe de Galles [Ceylan]
Singapore
New South Wales
1830
Les îles Aukland
Hobarts-Town, Vandiemen
Otaheiti
Île de Noël
Owhyhee
Lima
1831
Cap St Francisco
Acapulco
Valdivia
Valparaiso
L’entrée occ. du détroit de Magellan
1832
Le milieu du même détroit
Fernando Noronha
Para
Cayenne
Après le pendule, le capitaine est chargé de tourner son attention sur les sujets suivans, dans la succession nommée c’est-à-dire : les longitudes des stations et de quelques points intermédiaires, par la méthode que j’ai suivie dans mon voyage c’est-à-dire par des observations astronomiques liées entr’elles au
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moyen de plusieurs chronomètres ; les phénomènes du magnétisme terrestre ; la comète d’Encke au South Shetland janvier 1829 ; les observations météorologiques de toute espèce surtout de l’intensité relative du rayonnement solaire sous différens parallèles et à des élévations diverses et de la loi de décroissement de l’élasticité de la vapeur dans l’atmosphère à mesure qu’on s’élève au-dessus de la surface.
La Société royale vient de recommander au gouvernement de faire les frais de la rédaction et de la publication d’un catalogue de 10 000 étoiles observées avec un cercle mural à Paramatta, New South Wales, sous la direction de Sir Th. BRISBANE. »
M. SABINE ajoute « depuis que j’ai écrit cette lettre, on s’est décidé à partager le voyage du capt. FOSTER en deux voyages qu’il doit exécuter successivement ». Le voyage est vraiment d’une bien haute importance ; il est pourtant remarquable que pendant qu’on court au bout de l’univers pour recueillir des observations sur le pendule, sur les inclinaisons et déclinaisons magnétiques, &a, nous en ayons encore à désirer pour nos provinces. Heureusement la libéralité du gouvernement nous permettra de combler cette lacune avant qu’on s’en soit aperçu. Que d’observations intéressantes, que de résultats curieux pour la science n’avons-nous pas à espérer étant soutenus de cette manière ! Mais il faudra encore des travailleurs jeunes et actifs, instruits et dévoués à la science, et qui surtout soient unis entr’eux. L’homme isolé ne vaut pas le quart de ce qu’il peut valoir, il doit être à la fois la tête et les bras d’une entreprise, et il finit par se perdre au milieu des immenses détails qu’entraîne la moindre observation suivie. Il existe maintenant partout des hommes de talens qui, chacun dans leur partie, ont été aussi loin qu’on peut raisonnablement l’attendre d’un individu isolé. Mais les résultats qu’on désire et ceux qui sont vraiment difficiles à atteindre, sont ceux qu’on n’obtient que par des instruments parfaits et par une
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réunion d’hommes qui s’entendent pour marcher tous ensemble vers un même but. Ces résultats sont rares parce que les conditions requises pour les obtenir sont rares.
Un des premiers avantages d’une pareille association sera l’ensemble d’une grande série d’observations météorologiques pour notre pays. Je viens de voir M. LIPKENS qui m’a dit qu’on s’occupe des thermomètres. Il m’a dit encore qu’il serait peut-être avantageux de faire construire les hygromètres à Luxembourg et de prier M. CRAHAY de Maastricht de vouloir bien placer les cheveux. Si vous le désirez, Monsieur, je me chargerai de cette dernière commission.
Je n’entends plus parler de l’Athénée ni des soins qu’on prend de pourvoir à mon remplacement. J’ose à ce sujet vous rappeler encore, Monsieur, ce que j’ai eu l’honneur de vous dire sur les jeunes gens qui se trouvent ici. Nous avons une occasion de former une réunion que j’ai tant et depuis si temps désirée, cette occasion ne se reproduira peut-être plus. J’ai besoin d’être aidé par des personnes qui me soient dévouées et que je puisse diriger vers le genre de travail qui nous convient. MM. VERHULST et NERENBURGER m’ont déjà rendu d’importants services, ils peuvent m’en rendre de plus grands encore. Tous deux sont mathématiciens. L’un est calculateur infatigable, l’autre est un fort adroit observateur. Sans mes prières, je puis le dire, tous deux seraient déjà dans une autre carrière. M. VERHULST a quelque fortune, s’il entrait à l’Athénée il n’en bougerait plus. Son avenir serait fait et ses prétentions n’iraient jamais plus loin. M. NERENBURGER dans un cours de physique aurait occasion de développer de grands moyens dans une partie où je ne puis citer personne parmi nos jeunes gens, excepté PLATEAU. Je le répète, Monsieur, si vous n’avez la bonté de m’aider dans ce que j’ai l’honneur de vous proposer, mes efforts seront paralysés. Je puis répondre de mon ardeur, de ma
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bonne volonté, mais mes forces sont limitées et il ne dépendrait pas de moi de doubler le temps. Le gouvernement m’a témoigné une bien grande confiance, a mis à ma disposition de puissans moyens, plus grands que je n’avais osé l’espérer, mais je puis dire que les choses ne sont faites qu’à demi si, après le matériel, on ne fournit au besoin du moral. Je n’entends pas dire par là que ces jeunes gens doivent être attachés à l’Observatoire ; non, certainement mais qu’ils soient dans une position telle que je puisse attendre de leur amitié et de leur amour pour la science tous les secours dont je pourrais avoir besoin. Ce sera déjà un secours bien grand que le partage de la Correspondance qui devient indispensable, car je crois nécessaire de donner bientôt plus d’extension à ce recueil. Je ne suffirais plus à ce travail dans lequel je me trouve déjà aidé, si je voulais le soutenir avec quelques succès. Je compte aussi sur ces messieurs pour partager les calculs numériques des recherches statistiques que je prépare. M. NERENBURGER s’est chargé de faire les dépouillemens des livres au gouvernement et à la Régence. Enfin, avec leur coopération et celle de quelques autres de mes anciens élèves, je terminerai peut-être une entreprise des plus honorables que l’on ait faites ici. Il me suffira d’avoir muri le plan pour qu’elle puisse marcher ensuite par elle-même. J’espère être bientôt à même de vous faire connaitre ces projets qui ne pourront porter aucun préjudice à mon avenir, puisque l’exécution doit être faite par d’autres que par moi.
En vous parlant des avantages que me paraîtraient garantir les nominations de MM. NERENBURGER et VERHULST, je suis loin, Monsieur, de désirer que vous perdiez de vue les principes d’équité que vous avez toujours montrés. M. VERHUSLT réunit toutes les qualités qu’exigent les règlemens
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et qu’on chercherait peut-être inutilement ailleurs. Il est docteur depuis plusieurs années, il s’est distingué dans les études par deux prix remportés à Gand et à Leyde dans les sciences mathématiques. Sa conduite est irréprochable. Il est en état d’enseigner par la langue nationale, condition peut-être la plus difficile à trouver dans des candidats et qui porte en ce moment un singulier préjudice aux études math. de l’Athénée par la manière dont l’explication est donnée. Enfin, il a enseigné publiquement et gratuitement au Musée à la satisfaction de ses auditeurs. Cette épreuve peut mériter quelque considération. M. NERENBURGER n’a pas de titres aussi forts ; aussi ne s’agit-il pour lui que d’une place médiocre relativement au traitement, mais d’une grande difficulté pour être bien remplie. J’ose me porter son garant, d’après la manière dont que l’ai entendu professer publiquement. Je vous ai entretenu bien longuement de toutes ces circonstances, Monsieur, c’est que je les crois de la dernière importance pour moi. J’ose espérer que vous voudrez bien les prendre