Souhait d’engager Edouard Sacré comme aide mécanicien à l’Observatoire

Bruxelles, le 17 janvier 1840
Monsieur le Ministre,
Si je n’ai pas répondu plus tôt à votre lettre du 16 du mois dernier, n° 4892, 2e Direction, c’est que je voulais prendre par moi-même des renseignemens circonstanciés sur l’objet que vous vouliez bien soumettre à mon examen et que je regardais comme étant d’un intérêt majeur.

La construction des instrumens de précision est malheureusement beaucoup trop négligée en Belgique, car elle ne sert pas seulement aux sciences d’observation ; mais elle prête encore un puissant appui à l’industrie. Malheureusement mais Pour s’y livrer, il faut des ateliers garnis d’outils et d’instrumens d’un prix élevé, et peu d’artistes sont en état de faire les avances nécessaires pour se les procurer. D’une autre part, dans les premiers temps de la formation d’un grand établissement pour les instrumens de physique, et avant d’avoir acquis la confiance du public, il faut se résoudre à des sacrifices que l’on n’est pas toujours disposé à faire, aujourd’hui surtout que chacun court au plus pressé. Les hommes les plus actifs y perdent courage ; c’est ainsi que le Sr THÉMAR qui a rendu de vrais services aux sciences et aux arts mécaniques, a fini par renoncer à son état. D’autres plus heureux comme M. Aug. SACRÉ, ont laissé les instrumens de précision pour se jeter dans une carrière plus productive et se sont intéressés livrés aux travaux entreprises industrielles.

Cet état de choses mérite de fixer l’attention du gouvernement et doit lui faire désirer de voir se former des établissemens stables, qui seraient un véritable bienfait, surtout pour les études physiques solides, car nos grandes établissemens collections scientifiques sont forcées maintenant de faire venir leurs instrumens de l’étranger et ce n’est certes pas le moyen de suivre avec activité les découvertes nouvelles ou de pouvoir entrer soi-même dans ce champ.

J’ai visité l’atelier de M. Ed. SACRÉ. J’ai vu des instrumens de la construction de cet artiste qui ne le cédaient pas à des bons instrumens français ou anglais ; je l’ai mis moi-même à l’épreuve et je lui ai fait faire des réparations à des [surcharge de : mes] instrumens de l’observatoire et je dois avouer qu’il s’est acquitté de manière très satisfaisante de ce qui lui était demandé.

Je ne puis donc élever aucun doute sur les capacités du pétitionnaire. Ni sur l’opportunité qu’il y aurait à lui accorder un subside. Le tout serait de savoir comment il convient de l’encourager et de le retenir à l’état qu’il se propose d’embrasser.

M. Ed. SACRÉ a demandé une indemnité de 5 000 francs et il m’a cette prétention m’a paru élevée. Cependant le pétitionnaire m’a fait observer que les instrumens à diviser et à graduer qui lui manquent sont tous d’un grand prix et qu’à moins de les avoir, il doit soutenir, avec une infériorité bien marquée, la concurrence avec l’étranger et pour les prix et pour le fini du travail. Il m’a semblé en effet que la valeur des appareils et outils de première nécessité peut s’élever à une somme de 3 000 francs.
Après avoir mûrement examiné les observations du pétitionnaire, j’ai cru pouvoir vous faire les propositions, Mr le Ministre, qui me semblent concilier tous les avantages. Ce serait :
1° de lui accorder un subside de 1 000 francs seulement à titre d’encouragement
2° de faire un prêt de 2000 francs comme avances sur le prix d’instrumens qui paraissent lui avoir été demandés par des établissemens du gouvernement
3° de le charger de l’entretien et des réparations des instrumens de l’observatoire, comme aussi de la confection des petits appareils qui ne demandent pas des mains très exercées ; en un mot, de le nommer aux fonctions de mécanicien de l’Observatoire.
Je ne crois pas devoir motiver davantage les deux premières propositions ; peut-être même me suffisait-il pour motiver la dernière de m’en référer à ma lettre du 14 du courant.
En effet, en accordant à Mr Ed. SACRÉ, un traitement annuel de 12 cents francs, on pourrait lui imposerait l’obligation de passer à l’observatoire au moins la moitié de la journée et la nuit s’il y était requis. Les avantages seraient même réciproques. D’une part nous n’aurions plus d’entretien d’instrumens à payer, plus de réparations. Les petits appareils se feraient dans l’observatoire ; M. SACRÉ serait tenu de prendre part aux observations, tantôt à celles du magnétisme pour le quel [sic] le personnel actuel est absolument insuffisant ; il me rendrait aussi moins sensible la perte du concierge qui devait m’aider dans certains travaux, surtout dans les observations de nuit.
De son côté, l’habitude de voir et de manier des instrumens qu’on peut ranger parmi les plus parfaits qui existent, l’avantage d’être tenu au courant des découvertes nouvelles, de pouvoir être mis facilement en rapport avec les principaux physiciens du royaume, toutes ces facilités, dis-je, seraient de la plus grande influence pour la prospérité de ses ateliers.
C’est ainsi que près de la plus grande partie des observatoires étrangers se sont formés les artistes les plus exercés pour les instrumens de précision. Et sous ce rapport, un observatoire bien monté et actif est la meilleure école où puisse se former un mécanicien. Le nôtre, je crois, peut quoique nouvellement formé, en donner une preuve manifeste ; car M. Aug. SACRÉ, frère du pétitionnaire, que le gouvernement a récompensé par une de ses médailles d’or et même par une croix de l’ordre de Léopold, y a trouvé des possibilités très grandes pour former les appareils les plus délicats, ceux qui lui avaient mérité le plus d’éloges.
Tels [sic] sont les propositions que j’ai l’honneur de vous faire, Monsieur le Ministre ; et j’ose insister particulièrement sur celle qui aurait pour objet d’attacher M. SACRÉ à l’Observatoire. Un troisième aide dans l’état actuel des choses m’est absolument indispensable.
Agréez &a

Datum: 
vrijdag, 17 januari, 1840 - 00:00
Geschreven door: 
A. Quetelet
Gericht aan: 
B. de Theux de Meylandt, ministre de l'Intérieur
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