Réorganisation du personnel de l’Observatoire, statut et curriculum d’Edouard Mailly

À Monsieur le Directeur de l’Observatoire royal de Bruxelles
Bruxelles, le 18 novembre 1855
Monsieur le Directeur,
On vient de me communiquer une note qui a été imprimée à la suite du budget du Ministère de l’Intérieur pour 1856, et qui concerne l’Observatoire Royal.
D’après cette note, une réorganisation du personnel de l’Observatoire serait devenue indispensable : il y aurait désormais un aide pour l’astronomie, aux appointements de 3 000 francs et un aide pour la météorologie, aux appointements de 2 400 francs ; puis un aide-calculateur et un aide-mécanicien. Ces deux derniers continueraient probablement à toucher les appointements qu’ils reçoivent aujourd’hui, savoir l’un 1 600 francs, l’autre 1 200 fr.
Or, l’aide-calculateur, c’est moi ; je me trouverai donc placé en troisième ligne. Si vous jugez, Monsieur le Directeur, que je suis traité suivant les services que je suis à même de rendre, je n’ai rien à dire. Mais je dois relever un passage de la note dont il s’agit, où il est fait allusion aux fonctions que j’occupe en dehors de l’Observatoire.
Mon travail à l’Observatoire ne s’est jamais ressenti de ces fonctions, encore moins l’ai-je mesuré au salaire que je recevais. J’ai toujours montré un dévouement et une abnégation absolus et fait preuve, j’ose le dire, d’une activité et d’un zèle infatigables. J’ai été pendant longtemps votre seul aide, et, quoique spécialement chargé des calculs, j’ai pris part à toutes les observations, excepté les observations astronomiques qui m’étaient interdites par l’état de mes yeux et par les soins à apporter à ma santé.
Je suis entré à l’Observatoire en 1832 : de 1832 à 1840 inclus, c.à.d. [c'est-à-dire]

en neuf années, j’ai reçu 5 800 frs, ce qui fait une moyenne de 644 fr. par an. Mes appointements ont été portés ensuite successivement à 1 200, à 1 400 & 1 600 francs.
J’occupe, il est vrai, d’autres fonctions ; je suis secrétaire de la Commission administrative du Musée de l’Industrie et répétiteur de mathématiques à l’Ecole Militaire ; je touche 1 000 fr. au Musée et 2 400 fr. à l’Ecole Militaire : j’ai donc en totalité un traitement de 5 000 francs, après vingt-trois ans de services.
Les fonctions de répétiteur d’analyse n’ont, je crois, rien d’incompatible avec celles d’aide-calculateur ; au contraire, ces dernières doivent profiter de premières : du reste, je vais à l’Ecole trois fois par semaine, de 6 heures ½ à 8 heures du soir et une fois de midi et demi à 2 h.
Mon travail au Musée consiste à tenir la correspondance et la comptabilité ; il m’a toujours été rendu facile et agréable par l’extrême bienveillance que n’ont cessé de me montrer les présidents successifs de la commission, MM. FROIDMONT, BASSE, EVAIN et DE VAUX : la besogne courante me prend une heure et demie à deux heures par jour et le travail extraordinaire, je le fais le dimanche.
Je me rends à l’Observatoire tous les jours à neuf heures du matin et j’y reste jusqu’à 1 heure et ½ ou 2 heures : comme j’ai eu l’honneur de vous le déclarer, Monsieur le Directeur, il me serait impossible de calculer pendant un espace de temps plus long, j’entends calculer d’une manière sûre et sans la chance de devoir recommencer le lendemain les calculs que j’aurais faits la veille.
Ainsi donc, il n’est pas exact de dire que je ne donne à l’Observatoire qu’une partie de mon temps (1) ; mais ce qui est vrai, c’est que devant, à cause de l’exigüité de mon traitement comme aide-calculateur, faire encore un travail de bureau, je ne puis pas travailler pour moi comme je devrais pouvoir le faire et m’occuper de science comme j’aurais envie de le faire.
Ce qui serait de toute justice, ce serait de reporter sur le budget de l’Observatoire l’indemnité que je reçois au Musée, si, à cause de mes fonctions à l’Ecole Militaire, l’on ne pense pas pouvoir m’accorder après 23 années de bons et loyaux services, le minimum de 3 000 francs qui a été fixé, ou proposé me dit-on, pour le traitement des aides de l’Observatoire.
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(1) D’autant moins que, lorsque la chose était nécessaire, j’ai travaillé jusqu’à dix et douze heures par jour : je citerai l’époque à laquelle on a déterminé la différence de longitude entre Bruxelles et Greenwich, au moyen des signaux télégraphiques ; et qu’en dehors des heures consacrées au calcul, j’ai fait pour l’Observatoire des traductions de l’allemand, de l’anglais et de l’italien, écrit des notices pour les Annuaires et pour le Séculaire, revu et corrigé des mémoires, etc.

Datum: 
zondag, 18 november, 1855 - 00:00
Geschreven door: 
Edouard Mailly, aide calculateur
Gericht aan: 
A. Quetelet
Image: