Confection de la lunette huit pouces

Monsieur,

J’ai reçu votre lettre du 3 juillet par laquelle vous me demandez des nouvelles que j’allais vous adresser très-prochainement après la terminaison de la monture 8 pouces. La lunette serait déjà rendue et installée à Bruxelles sans plusieurs modifications apportées à quelques détails essentiels de la monture d’après les avis et conseils de M. LAQUIANTE, venu à Paris pour l’Exposition et qui a fait usage à Strasbourg de la première Ltte [lunette] de 8 pouces terminée par mon oncle. Ainsi j’ai eu à faire changer l’installation du chercheur pour l’amener en saillie par devant de manière à ne pas gêner la tête de l’observateur par le voisinage du corps principal, et pour obtenir un plus grand champ, selon que vous me l’aviez bien recommandé [sic], j’en suis venu après divers changemens à appliquer un oculaire dont l’ouverture a tout le diamètre du corps du chercheur, 3 pouces de diamètre, et par ce moyen je parviens à réaliser un champ total de plus de cinq degrés, sans avoir échafaudé la monture du chercheur à une distance exagérée de la monture cylindrique principale dont le contour n’empiète aucunement dans le champ du chercheur. Un second oculaire spécial au chercheur a été disposé avec les grossissemens ordinaires, et celui qui est monté sur un tube de 3 pouces peut s’adapter directement au corps principal de manière à produire avec un champ incomparable, une amplification au-dessus de 60 fois. Un autre détail qui a nécessité des tâtonnemens était la forme à donner à la pièce qui termine les oculaires contre l’œil : une surface trop large devient gênante pour approcher l’œil commodément et suffisamment ; il a fallu changer cette pièce à plusieurs reprises. M. LAQUIANTE m’engage, en dernier lieu, à ne pas faire vernir les trois corps polis de la monture, pour moins gêner les observations du soleil ; il préférerait une teinte quelconque appliquée également et ne réservant qu’un point de mire, poli et brillant à l’extrémité vers l’objectif, pour servir à diriger l’axe de la lunette comme celui d’un canon de fusil. Malgré l’expérience pratique incontestable de M. LAQUIANTE, j’hésite à prendre ce parti. Le temps seul, si la lunette sert quelquefois en plein air, suffira pour ternir convenablement l’extérieur de la monture et arriver au résultat conseillé. Si vous pensez autrement, Monsieur, veuillez-bien me le faire savoir, c’est par cette opération que nous terminerions. Il me reste encore à déterminer l’oculaire terrestre le plus favorable, et sous peu de semaines, la lunette vous sera expédiée. Toujours à la veille de vousannoncer cette terminaison, j’ai laissé peu à peu les semaines s’accumuler jusqu’à produire le long retard dont vous vous plaignez. Je reconnais combien il vous est fâcheux de n’avoir pu faire encore d’observations pendant cette campagne, mais je vous prie de penser aussi, Monsieur, que mon oncle et moi sommes intéressés à abréger le plus possible, puisque le résultat des conventions ne comptera qu’à partir de l’expédition. J’espère que lorsque que vous aurez reconnu les bonnes conditions de la lunette et de sa monture, vous pardonnerez les délais indispensables mais imprévus que nous vous aurons fait subir.

J’ai l’honneur d’être avec un profond respect, Monsieur,

Votre très-humble et obéissant serviteur,

[signé] Rossin
À Paris, le 5 juillet 1844

[enveloppe]
À Monsieur
Monsieur Quételet [sic],
Directeur de l’Observatoire royal,
à Bruxelles.
Belgique
[cachet postal] Paris – 60 – 5 juil. 44
[cachet postal] France par Quiévrain – 6 juil. 1844
[cachet postal] Bruxelles – 3 – 6 juil.
[cachet] 4. R
[trace de cachet de cire]

Datum: 
vrijdag, 5 juli, 1844 - 00:00
Geschreven door: 
Jean-Baptiste Rossin, opticien
Gericht aan: 
A. Quetelet
Image: