Projet d’observatoire, négociations avec la Ville de Bruxelles, projet de voyage en Angleterre, chaire à l’Athénée

[note moderne au crayon] 009
[NB. Ce rapport n'est pas daté].

Monseigneur,

Après avoir terminé ce qui me restait encore à faire à Paris, j’ai pris le parti de retourner en Belgique. Comme j’ai eu l’honneur de vous l’annoncer dans ma dernière lettre, je me trouve maintenant à Bruxelles où j’ai repris mes leçons depuis plusieurs jours. Mes premiers soins ont été de chercher à savoir ce que j’avais à espérer de la Ville. Les visites du jour de l’an m’ont donné accès auprès de notre bourgmestre : par forme de conversation, j’ai causé longtemps avec lui sur la formation d’un observatoire, comme d’une chose encore assez incertaine. J’ai fait sentir l’importance d’un pareil établissement pour une ville telle que Bruxelles et j’ai pu comprendre sans peine qu’on était déjà persuadé de la vérité de mes argumens. Mr WELLENS m’a assuré que la Régence serait disposée à offrir le magnifique terrain qui se trouve entre la porte de Halle [sic] et de Namur dans l’ancien emplacement de la vieille tour. C’était justement l’endroit que j’avais en vue étant encore à Paris ; je le regarde comme le lieu le plus propre qu’il soit possible de trouver pour placer un observatoire mais il ajoute que la ville avait tant de dépenses à sa charge qu’il lui serait impossible de concourir à la construction du bâtiment. Cette assertion peut paraître un peu problématique. Quoi qu’il en soit, il me semble que les personnes que la chose concerne sont animées d’excellentes dispositions. Heureusement rien ne transpire encore dans le public et les docteurs de nos universités ne sont pas encore éveillés

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par les cris des journalistes. J’ai cru que votre intention était qu’il ne fût parler de rien avant que vous eussiez pris une décision. J’ai trouvé ici les esprits bien occupés de ce que votre Excellence fait en Angleterre. Le public est curieux et quand il ne sait rien, il se répand volontiers en conjectures. Ce qui m’effraye, c’est qu’on craint de Cette fois vous le mettez fort en peine. Moi-même je n’entends pas répéter sans effroi que vous pourriez bien quitter le Ministère de l’Instruction. Si cela était vrai, je ne sais pas trop ce que je deviendrais.

Dans ma dernière lettre, j’avais prié Votre Excellence de me permettre d’aller passer quelques semaines en Angleterre pour examiner les observatoires. Son silence me fait craindre que ma demande n’ait pas été accueillie. Jusqu’à présent elle m’a témoigné sans doute beaucoup de confiance en me laissant faire à peu près comme je l’entendais ; mais après avoir tout terminé pour le mieux, j’aimerais pouvoir lui donner des preuves de mon zèle. Mon rapport est entièrement achevé : j’ai même pris soin d’y indiquer jusqu’u prix des instrumens après avoir consulté les meilleurs artistes. J’attends, Monseigneur, que vous vouliez bien m’indiquer ce que je dois en faire. Je conçois fort bien que ce qui m’occupe entièrement doit vous paraître bien secondaire. Si même j’insiste, c’est parce que je sais que votre coup d’œil peut embrasser plus d’une affaire ; je ne trouverai peut-être jamais d’occasion plus favorable pour voir les établissemens scientifiques de l’Angleterre Londres. Je sais déjà par expérience combien on gagne au commerce d’un peuple instruit et combien il m’a été utile d’entrer en relation avec des savans étrangers. Je vous supplie donc d’achever

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ce que vous avez déjà fait pour moi : permettez que sous vos yeux et sous vos auspices je redouble d’ardeur pour acquérir ce qui me manque encore et pour apprendre à connaître par comparaison ce qui serait le plus avantageux et le plus utile, que je n’aie du moins pas à me reprocher par la suite que j’aurais pu mieux faire, ayant vu davantage.

Depuis plusieurs jours, Mr THIRY, mon collègue à l’Athénée se trouve nommé inspecteur général du appelé dans le cadastre à un emploi plus élevé. Il paraît qu’une chaire de professeur deviendra vacante à l’Athénée. Quelques observations [?] parlent de la large [?] prime et force candidats se préparent à la remplir ; il ne se doute peut-être pas qu’en me succédant, ils se mettent à la demi-solde à moins qu’on ne m’y laisse après dix ans de service, car je les ai et bien comptés. Monseigneur, si j’osais détourner votre attention sur mes petites affaires, je vous montrerais comme quoi chacun fait main basse sur mon traitement ; tandis que j’étais à Paris, c’était un vrai gaspillage. Mr DELHAYE, mon prédécesseur, a prélevé d’abord le quart, après lui est venu Mr DIRICX, mon remplaçant, qui a prélevé 300 francs, après lui est venu le nouveau professeur hollandais, mon collègue que je ne connais pas encore et qui, en vertu de je ne sais quel arrêté, a prélevé encore je ne sais quelle somme, enfin après quelques autres rognures, a porté le reste a ma pauvre mère qui a eu tout au plus de quoi payer son loyer. Je ne vous demanderai pas ce que je dois faire, la raison me dit payez vos dettes. J’avoue que [je] me suis trouvé fort désappointé malgré ma philosophie et malgré mon diplôme que j’ai cependant payé assez bien cher. J’ose espérer, Monseigneur, que quelques jours [sic] vous voudrez bien me mettre à l’abri de ces inconvéniens

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et me débarrasser du soin de payer un loyer, un prédécesseur, un remplaçant, &a, en m’installant dans un observatoire dont vous serez le fondateur. Je vous promets d’y vivre alors dans la solitude comme un pieux personnage, les yeux constamment tournés vers le ciel.

En attendant cet heureux instant, daignez recevoir l’expression de ma reconnaissance et de ma considération la plus dis [sic]

Datum: 
vrijdag, 31 december, 1824 - 00:00
Geschreven door: 
A. Quetelet
Gericht aan: 
Antoine Reinhard Falck, ministre de l’Instruction publique
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