Projet d’observatoire, Athénée de Bruxelles, mariage

Monsieur, j’ai tardé jusqu’à présent de répondre à l’aimable lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, parce que je désirais pouvoir vous annoncer en même tems que j’avais reçu la valeur de mon mandat et que j’avais remboursé les 400 francs que je devais à Mr FALCK. Ces petites affaires sont terminées maintenant et il ne me reste plus qu’à vous remercier pour les sentiments de bienveillance que vous avez bien voulu me témoigner et dont vous m’avez déjà donné des preuves bien honorables.

J’ai été très flatté de voir que vos idées sur l’utilité d’un observatoire s’accorderont entièrement avec les miennes. Seulement vous paraissez croire que les avantages que l’on pourrait retirer de sa formation ne seraient aussi grandes que je l’espère. Vous doutez aussi dites-vous qu’il y ait encore des découvertes importantes à faire en astronomie : les indiquer d’avance, ce serait déjà les avoir faites. Ainsi, je ne puis rien avancer à ce sujet. Je remarque seulement que les travaux de première nécessité que j’ai indiqués dans mon mémoire seraient déjà assez utiles pour qu’on songeât à établir un observatoire dans nos provinces, où jusqu’à présent nous n’avons rien eu de semblable au grand regret des amis des sciences et de l’honneur de leur pays. Qu’on forme donc un pareil établissement sur tel pied que l’on voudra, pourvu qu’on le forme c’est le point essentiel, que nous [page 2] n’ayons point l’air de béotiens au milieu des peuples qui nous entourent : nous n’avons pas même de quoi observer une éclipse. Il y a loin de cette privation de tout espace de secours au luxe d’un grand observatoire. Je n’insisterai pas davantage sur le malheureux état de l’astronomie dans nos provinces parce que vous avez assez de lumière pour ne pas aller au-devant de tout ce que l’on pourrait vous dire sur ce sujet. Pour moi, fidèle aux principes que je me suis formés je vieillirai s’il le faut en répétant que pour l’honneur du pays et la dignité des sciences il nous faut un observatoire.

Il paraît que l’on songe à faire quelques changemens dans l’intérieur de notre athénée pour ce qui concerne les sciences. Plût au ciel que cette nouvelle fût vraie, le besoin ne s’en fait que trop sentir. L’Athénée tombe [?] d’année en année et bientôt il finirait par ne plus rien produire après avoir tenu pendant longtems un rang distingué dans l’enseignement. Il parait que les observations judicieuses que vous avez faites aux états généraux ont produit quelque effet puisqu’on parle d’enseigner les principes de la physique et de donner quelques [illisible] en sciences naturelles.

J’ai engagé aussi la commission à substituer aux mathématiques spéciales, les élémens du calcul des probabilités et la géométrie descriptive surtout dans ses applications à la perspective et à la théorie des nombres ; ces parties des mathématiques sont de la première utilité et peuvent être rendues très élémentaires. Je ne doute pas, Monsieur, qu’on ne vous [page 3] soumette bientôt des projets à cet égard ; et votre discernement me fait espérer que les mathématiques qui depuis trois ans marchent ici d’une manière si irrégulière vont recevoir un nouvel élan. On me dit au fait que Mr THIRY cesse d’être professeur.

Comme ce que je dirai maintenant ne peut plus lui faire tort, je me permettrai de vous faire observer que peut-être je ne méritais pas d’être traité comme je l’ai été jusqu’à présent. Pendant deux ans j’ai donné seul toutes les leçons de mathématique tandis que je devais partager mes appointemens avec un autre et que celui qui ne fesait [sic] rien touchait ses appointemens en totalité. Ainsi sans avoir aucune fortune par moi-même, je travaillais pour deux autres personnes qui ne s’occupaient de rien quand j’étais à Paris ; je payais la personne qui me remplaçait et ici c’était moi qui payait ceux dont je remplissais les fonctions.

Je ne le cacherai pas que c’est dans la bienveillance que m’a toujours témoignée M. FALCK et que vous m’avez continuée que j’ai trouvé les principaux motifs pour me taire [?] et ces motifs devaient être bien grands puisque j’avais à veiller à l’entretien de ma mère et de ma sœur.

Aujourd’hui mon horizon semble s’éclaircir un peu puisque selon toute apparence je vais être affranchi des conditions onéreuses qui pesaient sur moi et que d’une autre part je suis à la veille de former une union dont l’idée seule fait mon bonheur, je pense que la société d’une femme chérie, douée d’aimables qualités et de talents variés ne me laissera plus rien à désirer dans mon intérieur [page 4] elle appartient à une famille honorable puisque plusieurs de ses. C’est vers le 20 du mois de septembre que notre mariage doit avoir lieu ; il parait que c’est aussi à cette époque que Mr VAN REES compte se marier, du moins il vient de me l’écrire. Je ne sais si le parti que nous prenons tous deux provient des conversations que nous avons eues à Paris sur notre position mais je pense qu’il nous convenait à tous deux.

Ma future est fille d’un médecin distingué de notre Ville professeur à l’école de médecine et nièce de M. VAN MONS de Louvain elle a encore d’autres parens dans le haut enseignement de sorte que je ne crois pas être sorti de ma sphère.

Datum: 
zaterdag, 31 juli, 1824 - 00:00
Geschreven door: 
A. Quetelet
Gericht aan: 
D.J. van Ewijck [sic:Ewyck]
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